L’extermination du cinéma espagnol
22 octobre 2013 par Guillaume Prieur - Vue(s) d'Europe
Le ministre des Finances espagnol, Cristóbal Montoro, a manifestement un goût certain pour le déni et la mauvaise foi. Interrogé, il y a deux semaines, sur les raisons des difficultés que connaît actuellement le secteur du cinéma espagnol, le ministre a nié la responsabilité de la politique de rigueur actuelle et a préféré incriminer « la mauvaise qualité du cinéma espagnol » ! Une remarque aussi surprenante qu’ahurissante, qui prêterait à rire si la situation n’était pas si dramatique.
Ces proclamations ont fait vivement réagir le cinéaste espagnol mondialement connu Pedro Almodovar, qui rappelle pour l’anecdote que 4 des 10 films les plus vus dans les salles à travers le pays sont espagnols. Preuve que la qualité du cinéma n’est pas le problème ! Mais avant tout, sa tribune dénonce ce qu’il considère être « plan rigoureux d’extermination » orchestré par le gouvernement espagnol. Les mots sont durs mais à la hauteur des différentes mesures prises par la gouvernement espagnol ces dernières années : la TVA a connu une hausse vertigineuse passant de 8 à 21 % en 2012. Pour sa part, le budget alloué au cinéma a été amputé de 22,6 % en 2013 et subira, en 2014, un nouveau rabot de 12,4 %.
Pourtant, le cinéma espagnol représente un atout non négligeable pour le pays, ne serait-ce que pour son économie ou pour le rayonnement de l’Espagne dans le monde. Le quotidien ibérique Infolibre rappelle ainsi, chiffres à l’appui, les nombreux succès et l’importance de ce secteur. Pour n’en citer que quelques-uns, le cinéma espagnol est l’un des plus récompensés à la cérémonie des Oscars (16 oscars depuis 1970 et plus de 30 nominations depuis 1958), il a atteint une part de marché de 20,5 % en 2012, a rapporté à l’étranger un total de 150,5 millions d’euros et 141 films nationaux ont été exportés l’année dernière.
Mais au regard des déclarations abracadabrantes du ministre Montoro, on peut douter qu’un gouvernement obnubilé par la rigueur à tout prix sera un tantinet réceptif à des arguments rationnels et factuels et encore plus soucieux de la diversité culturelle.
Ce type de mesures en Espagne ou ailleurs ont de quoi inquiéter et doivent faire réagir la communauté européenne toute entière au plus vite. C’est l’avenir de la culture en Europe qui en dépend. Les propos de Pedro Almodovar n’ont rien d’alarmistes et sont empreints d’un réalisme qui appelle un sursaut urgent !
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