ACTA : beaucoup de bruit pour rien ?
22 avril 2010 par Guillaume Prieur - Vue(s) d'Europe
Les négociations de l’ACTA (acronyme anglais pour accord commercial anti-contrefaçon) qui ont officiellement débutées en juin 2008 ont été à l’origine d’une inquiétude croissante de la part des internautes et de la société civile, qui a atteint son paroxysme à la suite de la fuite du projet américain de chapitre sur la mise en œuvre des droits de propriété intellectuelle sur internet.
S’en est suivi un véritable dialogue de sourds entre d’un côté, des universitaires, activistes de l’internet et parlementaires nationaux et européens qui, arguant des menaces que pourrait faire peser ce texte sur les droits des internautes, ont demandé à avoir accès au projet de texte et de l’autre côté, les négociateurs français et européens, prisonniers de leur engagement de confidentialité décidé d’un commun accord avec la dizaine d’Etats parties à la négociation. Le récent débat au Parlement européen est à cet égard assez représentatif de ce dialogue de sourds : les négociateurs européens répondant inlassablement aux questions très précises des députés par la même affirmation : la Commission n’ira pas au-delà de l’acquis communautaire.
Or, cette position de statu-quo est également celle défendue par le représentant au commerce américain qui indique que l’ACTA n’entraînera pas de modification de la législation américaine. Aux vues des différences importantes entre les systèmes juridiques européen et américain, on ne peut que s’interroger sur le contenu final de cet accord, dont une version a été officiellement rendue publique le 21 avril pour couper court aux fuites.
En effet, si les négociateurs disent vrai et que rien ne change de part et d’autre de l’Atlantique, quel est l’intérêt de cet accord ? Un intérêt très limité pour l’Union européenne et ses Etats membres, si n’adhèrent pas par la suite les puissances émergeantes pourvoyeuses d’objets contrefaits, comme la Chine.
Dans l’immédiat, une formulation finale de l’ACTA suffisamment large pour satisfaire les grandes puissances parties à la négociation telles que les Etats-Unis, l’Union européenne et le Japon n’engendrera que des bénéfices limités, à rechercher du côté des autres Parties à la négociation qui ne disposent pas encore des meilleurs standards de mise en œuvre de la propriété intellectuelle. Sachant que l’Australie, le Maroc, Singapour et la Corée (non encore entré en vigueur pour ce dernier) ont signé des accords bilatéraux de commerce comprenant un chapitre sur la propriété intellectuelle au niveau d’exigence élevé, il ne reste plus guère que du côté du Canada, du Mexique et éventuellement de la Nouvelle-Zélande que des progrès pourraient être éventuellement attendus, ce qui semble bien maigre dans l’immédiat.
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