Bureau de l’IA : Franchir la ligne d’arrivée sans encombre

7 mars 2024 par - Vue(s) d'Europe

Les IA génératives peuvent se targuer de faire mieux que les 43 000 personnes au départ du semi-marathon de Paris ce week-end. A elles seules, elles ont lancé trois courses mondiales : une course à l’innovation, une course aux mots, tant les conférences et débats à leur sujet ne cessent d’abonder dans la sphère publique et institutionnelle et une course à la réglementation dans laquelle l’Union européenne est proche de la première place. Encore faut-il pour cela qu’elle ne trébuche pas lors de la mise en œuvre du futur Bureau de l’IA, créé par le Règlement européen sur l’intelligence artificielle, et qui sera à la fois garant de la bonne application du règlement, mais aussi de l’indispensable protection des œuvres et des droits !

 

Le règlement sur l’IA devrait être pleinement adopté par le Parlement européen le 22 avril[1] et entrer en vigueur à l’été 2024. Conformément au texte, le Bureau de l’IA devra concevoir des outils, des méthodes et des critères de référence pour évaluer les capacités et la portée des modèles d’IA. Plus précisément, il sera en charge d’établir un modèle du résumé des œuvres utilisées par les fournisseurs de modèles d’IA à usage général (Chat GPT, Gemini, Large…) qui devra être rendu public.

 

L’existence de ce résumé, rappelons-le, est une victoire pour tous les secteurs culturels et créatifs et la condition même du respect du droit d’auteur. Il est plus que jamais nécessaire, pour les auteurs, les artistes, les créateurs et ayants droits qui pourront identifier si leurs œuvres sont utilisées pour entraîner les IA génératives et faire valoir leurs droits. La transparence est fondamentale pour tous, à commencer par les organismes de gestion collective (OGC), qui agissent au nom des auteurs qu’elles représentent, comme la SACD. Sans cette transparence minimale, le droit d’autoriser l’exploitation comme de l’interdire s’avère difficilement praticable.

 

Un outil nécessaire donc, mais à la condition que ce modèle du résumé soit exploitable par les ayants droits et leurs représentants et permette d’identifier les œuvres et leurs auteurs. C’est là où le travail du bureau de l’IA va être essentiel car il sera sans doute celui qui opérera quelque part un travail de normalisation des données absolument nécessaires. Du côté des rédacteurs de ce modèle, ce seront des fonctionnaires issus de la DG Connect de la Commission européenne qui tiendront la plume, ainsi que des statutaires externes c’est-à-dire recrutés par la Commission pour accomplir les missions du Bureau.

 

Leur responsabilité sera grande alors que l’enjeu de la protection du droit d’auteur et des ayants droits dans l’univers de l’IA grandit chaque jour. Ils devront, pour mener à bien cette tâche, éviter un écueil, celui de travailler en vase clos. Au contraire, il sera essentiel, pour construire un cadre cohérent et efficace, de collaborer avec les professionnels, notamment les OGC qui savent gérer des données multiples, foisonnantes et complexes tout en assurant le respect du droit d’auteur. Par leur représentativité et leur rôle actif au nom de la société civile, les OGC ont par ailleurs toute leur place dans le Forum consultatif du Bureau de l’IA, introduit également par ce règlement.

 

Avec le règlement IA, l’Union européenne se dirige vers la première place du podium en matière de régulation de l’intelligence artificielle. Elle a tout pour franchir sereinement la ligne d’arrivée…pour peu qu’elle réussisse la mise en œuvre technique de son règlement et conforte l’effectivité du droit d’auteur, au cœur du modèle culturel européen, dans le monde de l’IA.

 

[1] Un premier vote en plénière au Parlement européen aura lieu le 13 mars sur le texte provisoire, la version finale sera soumise au vote de la plénière du 22 avril.

[2] European Commission Decision of 24.1.2024 establishing the European Artificial Intelligence Office

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