Contribution de Jacques Toubon, député européen
10 avril 2009 par Guillaume Prieur - Vue(s) d'Europe
Les auteurs et compositeurs dramatiques qui sont membres de la SACD le savent mieux que personne, le système du droit d’auteur est le meilleur garant de la pérennité, de la vitalité et de la diversité de la création européenne.
Ce système est pourtant attaqué de toute part. La France, avec la loi « Création et Internet » continue de jouer son rôle de pionnière dans la défense de la diversité culturelle. A l’inverse, je suis frappé de constater qu’au niveau européen, le droit d’auteur, souvent confondu avec le « copyright » est considéré comme un obstacle, une anomalie dans le marché intérieur qui est fondé sur les quatre libertés et la concurrence.
Hormis la Communication de la Commission européenne de janvier 2008 sur les « contenus créatifs en ligne dans le marché intérieur » et la directive sur l' »extension des droits des artistes interprètes », les initiatives prises par la Commission sous cette législature ont été plutôt négatives. Par exemple, la Recommandation de 2005 sur la musique en ligne, la décision de la Direction générale de la Concurrence dans l’affaire CISAC, ou encore le Livre vert de 2008 sur le « droit d’auteur dans l’économie de la connaissance », sans compter la proposition, avortée grâce à la réaction du gouvernement français, d’harmoniser la compensation pour copie privée.
Au Parlement européen, les défenseurs des acteurs de l’internet, soutenus par de nombreux parlementaires notamment chez les Socialistes, les Libéraux et les Verts, sont parvenus à imposer à une majorité l’idée selon laquelle le droit d’auteur devrait s’effacer devant la nouvelle réalité que constitue internet. Ce fut notamment le cas dans les rapports Bono et Lambrinidis.
Avec plusieurs de mes collègues français et étrangers, nous avons tout fait pour éclairer le Parlement européen sur les données et les enjeux. En particulier en janvier 2009, la commission des affaires juridiques a adopté à une large majorité le rapport de mon collègue Manuel Médina Ortega sur « les perspective en matière de droit d’auteur ».
Cependant, nous avons rapidement acquis la conviction qu’une méconnaissance foncière des principes du droit d’auteur était un terreau fertile à la désinformation et aux maux dont l’accablaient ses détracteurs. La commission des affaires juridiques compétente pour la propriété intellectuelle a donc décidé en septembre 2008 de constituer un Groupe de travail sur le droit d’auteur et de m’en confier la responsabilité. Il est composé d’un représentant de chaque groupe politique de la commission des affaires juridiques et de représentants des commissions chargées du marché intérieur, de l’industrie et de la culture.
L’objectif est de développer une réflexion sur le droit d’auteur dans le cadre législatif communautaire, afin de rédiger un Mémorandum sur les perspectives et les défis du futur – notamment en lien avec l’évolution technologique dans le cadre de la société de l’information- du droit d’auteur dans l’Union européenne.
Nous avons organisé 6 séances d’auditions, chacune abordant une facette de la réalité du droit d’auteur dans la société de l’information. Il s’agissait tout d’abord d’acquérir une meilleure connaissance du droit d’auteur et de ces évolutions à travers les présentations d’experts représentant les ayants droits des différents secteurs culturels, des représentants de la Commission et des grandes entreprises utilisatrices d’œuvres artistiques. Ensuite, le débat entre les parlementaires et les experts devait permettre de dégager des éléments de consensus malgré les divergences évidentes entre les membres du groupe. Enfin, je souhaitais que mes collègues, comme certains experts auditionnés, puissent avoir l’opportunité de développer et d’exposer l’économie de la culture telle qu’ils la verraient idéalement.
Je suis pour ma part persuadé que le droit d’auteur reste le système qui permet l’accès le plus large aux œuvres, tout en assurant la rémunération de l’ensemble de la filière créative et l’incitation à la création et à l’initiative individuelle.
J’espère que nous pourrons, avec l’appui de l’équipe de fonctionnaires et de conseillers politiques qui nous assistent, rédiger un Mémorandum qui soit un instrument efficace pour faciliter la compréhension et marquer l’attachement de nos collègues au droit d’auteur et dégager des pistes pour l’avenir de l’activité législative du Parlement européen dans ce domaine.
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