Convention UNESCO 2.0
24 octobre 2014 par Guillaume Prieur - Vue(s) d'Europe
La Convention UNESCO de 2005 sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles fêtera l’an prochain ses 10 ans. L’heure sera à la fête mais aussi, et peut-être surtout, aux questionnements et aux interrogations sur son avenir à l’ère numérique. Le ministère des Affaires étrangères et le ministère de la Culture ont récemment chargé un groupe d’experts de réfléchir aux enjeux et à l’élaboration de directives opérationnelles pour adapter la Convention au numérique. En attendant les résultats de cette étude très attendue (vraisemblablement en décembre prochain), nombreux sont ceux qui imaginent déjà à quoi ces directives pourraient ressembler.
Un questionnaire, élaboré par le Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation (CEIM) de l’université québécoise l’UQAM, a aussi circulé ces dernières semaines au sein de la sphère culturelle. La Coalition française pour la diversité culturelle (présidé par Pascal Rogard, directeur général de la SACD) y a répondu. Elle a, entre autres, souligné plusieurs priorités :
– mettre en place des politiques de soutien aux œuvres locales, afin de garantir que les nouveaux usages et pratiques numériques, qui offrent un réel potentiel de meilleure promotion de la diversité culturelle, la promeuvent réellement ;
– mieux articuler les questions culturelles et commerciales ;
– abonder davantage le Fonds international pour la diversité culturelle ;
– garantir une juste rémunération des créateurs en assurant un meilleur partage au sein de la chaine de valeur ;
– moderniser les réglementations pour que les acteurs du numérique et les géants du net contribuent au financement de la création ;
– développer l’offre culturelle numérique légale afin de réduire le piratage.
En parallèle, un dialogue de haut niveau sur la diversité culturelle au service du développement, portant plus spécifiquement sur la Convention de 2005 et le numérique, a été organisé le 30 septembre dernier par le Secrétariat du Groupe des Etats d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, l’OIF et l’UNESCO à Bruxelles.
On retiendra en particulier de ces échanges l’intervention de Louise Beaudoin, ancienne ministre du Québec, qui, tout en déplorant la domination de certaines langues sur la toile et la fragilité de la diversité linguistique, a énuméré les enjeux du numérique pour la diversité culturelle : régulation des puissants acteurs du Net, sauvegarde des politiques audiovisuelles dans les nouveaux accords commerciaux, intervention face aux changements brutaux de la chaine et du partage de la valeur, fragilisation d’un droit conforté à rémunération pour les auteurs. Autant d’enjeux que de directives opérationnelles à adopter !
De la même façon, Roger Dehaybe, administrateur général honoraire de l’OIF, a appelé le groupe de la francophonie à se remobiliser et à reprendre leur bâton de pèlerin, comme en 2005, dans le but de réalimenter le fonds, et de militer pour une prise de conscience des dangers qui guettent la diversité culturelle et qui justifient une adaptation urgente de la Convention de 2005.
De tous ces débats et réflexions, espérons qu’il en restera une ambition : que le dixième anniversaire de la Convention l’année prochaine soit l’occasion de se plonger vers l’avenir et de prendre les décisions utiles pour protéger et promouvoir la diversité culturelle à l’ère du numérique. Un enjeu loin d’être abstrait, alors que le nouveau Président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, et les Commissaires en charge des questions numériques (le Commissaire Gunther Oettinger et le Vice-Président Andrus Ansip), multiplient les déclarations sur la nécessaire remise en cause du droit d’auteur pour parachever le grand marché unique numérique…!
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