Européennes : les leçons d’un scrutin
28 mai 2019 par Guillaume Prieur - Vue(s) d'Europe
Les urnes ont parlé et, comme en 2014, l’extrême-droite arrive en tête des élections dans notre pays et enverra au Parlement européen une délégation de 22 députés.
Il faudra bien sûr tirer toutes les conclusions de cette étrange campagne, dans laquelle l’Europe aura été assez absente des débats. Mais, laissons les éditorialistes débattre de leur impact sur le paysage politique français et concentrons-nous sur l’Europe.
Ce matin, le nouveau paysage européen ouvre de nouvelles perspectives, mais, reconnaissons-le, avec encore beaucoup d’indétermination à ce stade. Une chose semble toutefois sûre : la domination du groupe social-démocrate (S&D) et de la droite conservatrice, démocrate chrétienne, (PPE) est bien et bien terminée. Avec 179 sièges pour le PPE qui reste le premier groupe, malgré son recul, et 150 sièges pour le S&D, la majorité absolue de 376 voix est inatteignable.
Connu pour être une enceinte où l’on pratique le compromis et l’art de la négociation, le Parlement européen va devoir aller encore plus loin pour dégager des majorités. Les cartes seront évidemment rebattues pour les présidences de commission et les autres postes à responsabilité, mais pas seulement !
Dans ce contexte, le groupe des Verts, fort de ses 70 voix, va être abondamment courtisé ces prochains jours. Mais, croire que ces 70 voix forment un ensemble monolithique serait une erreur pour analyser un groupe qui apprécie beaucoup l’esprit de l’auberge espagnole. La récente directive sur le droit d’auteur a montré les grands écarts dont ce groupe est capable, entre les défenseurs des pirates, les soutiens résolus de la diversité culturelle et de la rémunération des auteurs et ceux qui ont privilégié le confort du « je regarde ailleurs ce qui se passe ».
Comme les Verts, l’Alliance des centristes et des libéraux (ALDE), elle aussi très diverse, avec ses 107 voix dont tous les membres d’En Marche, va vite se retrouver au centre du jeu pour dessiner les contours d’un camp majoritaire au sein du Parlement et trouver un Président à la Commission européenne. Et peut-être même une présidente car la candidature de la Vice-Présidente de l’actuelle Commission, Margrethe Vestager, dont chacun se souvient de sa résistance à Google en particulier sur les dossiers de concurrence, prend depuis hier plus de poids. Face à des candidats des socialistes et des conservateurs qui n’ont pas vraiment imprimé durant la campagne et dont les groupes politiques connaissent des revers les rendant incapables d’atteindre une majorité, une troisième voie devient envisageable.
C’est le deuxième tour des élections qui débute désormais, avec des dîners à rallonge et des tractations nocturnes ô combien essentielles car c’est l’avenir de l’Union qui se joue et les grandes lignes des politiques qu’elle impulsera ces prochaines années.
Quand on se rappelle que la Commission Juncker nommée en 2014 était appelée la Commission de la dernière chance, on imagine à quel point la responsabilité de cette future Commission sera grande.
Il est évidemment encore trop tôt pour savoir si elle réussira mais pas trop tard pour l’espérer.
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