La Rémunération pour copie privée n’est pas privée d’avenir !

3 mars 2014 par - Vue(s) d'Europe

Ca y est, le rapport de l’eurodéputée Françoise Castex concernant la rémunération pour copie privée a enfin été votée par le Parlement européen, à une large majorité. On peut dire « enfin » car le parcours de l’adoption de ce rapport a été semé de beaucoup d’embûches. Pourtant, c’est un sujet qui devrait faire l’objet d’un consensus. La copie privée  est en effet un dispositif qui permet de rémunérer les auteurs, les artistes-interprètes et les producteurs en contrepartie des reproductions qui sont faites de leurs œuvres sur des supports tels que les DVD, les clés USB, les tablettes, les smartphones…Plutôt que d’interdire les copies, la copie privée scelle un pacte entre le public et les créateurs en conjuguant une liberté de copier sans autorisation des auteurs et des artistes et une rémunération assurée pour la création.

Mais, de consensus, il n’y en eut point, et les coups les plus bas furent légion !

Cette tactique est notamment celle qu’a employé un certain John Higgins. Non, il ne s’agit du John Higgins qui jouait dans Magnum mais de celui qui dirige Digital Europe, une organisation regroupant 37 associations professionnelles nationales de toute l’Europe (dont le SIMAVELEC qui multiplie les contentieux judiciaires contre la copie privée) et 57 multinationales (dont Apple qui refuse de payer la rémunération pour copie privée en France et qui, pour mémoire, avait défendu l’idée que l’IPod ne servait qu’à enregistrer des contacts et devait, à cet titre, être exempté du paiement de la rémunération pour copie privée !).

Il n’a pas hésité à se saisir de sa plus belle plume pour se plaindre officiellement auprès du président de la Commission Juridique du Parlement européen de la participation de la députée française à des débats autour de la copie privée cet été, en marge des festivals d’Avignon et de Marciac. Drôle de conception du travail parlementaire que de vouloir renier le droit élémentaire des députés à s’informer de la manière qu’ils jugent la plus adéquate, à consulter les parties prenantes et mener un travail de réflexion approfondi ! Est-ce à dire que les députés devraient solliciter l’autorisation de Digital Europe avant d’accepter de participer à un débat ou à un colloque ? Nous leur avons posé la question sur Twitter sans jamais obtenir le début d’une réponse. Dommage.

L’essentiel est qu’aujourd’hui, le Parlement européen a émis un vote sans ambigüité réaffirmant la nécessité de garantir l’avenir de la rémunération pour copie privée en Europe. Si le Parlement appelle à moderniser certaines de ses modalités, il reconnait également que la rémunération pour copie privée est un système vertueux et parfaitement légitime à l’ère numérique.

Cette large majorité qui s’est dégagée est intervenue grâce à un compromis entre groupes politiques et à l’issue d’une phase de réflexion longue et de travaux préparatoires qui n’ont écarté personne, quels que soient les intérêts qui étaient défendus. Elle a exprimé un souci, celui de la défense de la création et de la rémunération des créateurs, qui ne devra pas être oublié à l’heure où s’ébauchera la future réforme du droit d’auteur. Elle a aussi rappelé que cette réforme ne devrait devait se construire qu’autour d’un triptyque : garantir la rémunération des créateurs ; consolider le financement de la création ; favoriser l’accès du public aux œuvres culturelles. Espérons que nous serons tous d’accord avec ce point de départ.

La voix de la démocratie européenne doit compter. Elle doit compter face aux importateurs de matériels de copie (et notamment à ceux de ses membres qui apprécient la douceur des paradis fiscaux) qui, depuis quelques années et partout en Europe, ont décidé d’engager avec des moyens colossaux une guérilla judiciaire contre la rémunération pour copie privée. Elle doit aussi compter face au rapport remis à la Commission européenne l’an dernier par M. Vitorino et qui, avec un regard totalement biaisé, entendait remettre en cause les fondements de la rémunération pour copie privée au seul profit des importateurs de matériels.

A l’heure où les élections européennes approchent, il est en effet essentiel de se dire que les actes du Parlement européen ne doivent pas disparaitre à la fin de chaque législature !

Continuez votre lecture avec



Les commentaires sont fermés.