Le droit à rémunération pour les auteurs prend son essor au Parlement européen

6 avril 2017 par - Vue(s) d'Europe

Incontestablement, une thématique monte et s’installe dans le débat au Parlement européen sur la réforme du droit d’auteur. Longtemps minimisée, sinon ignorée, la rémunération des auteurs est en passe de devenir LE sujet du moment. Ne boudons pas notre plaisir car avec cette proposition visant à instaurer un droit à rémunération proportionnelle pour les auteurs européens de l’audiovisuel, c’est enfin une proposition positive pour les créateurs qui émerge.

Longtemps, les termes du débat autour de la réforme de la directive sur le droit d’auteur se sont résumés à l’extension des exceptions au droit d’auteur, à la création d’un droit voisin pour les éditeurs de presse et au fameux transfert de valeur des industries du numérique vers les industries créatives. Tout au plus, pouvait-on trouver dans les méandres de cette réforme quelques dispositions éparses destinées à renforcer la transparence des relations entre auteurs et producteurs mais dont l’efficacité est très incertaine.

Avec les propositions d’amendements déposées, notamment dans les Commissions Culture et Marché Intérieur, tendant à créer pour un véritable droit à rémunération, incessible et inaliénable, pour les réalisateurs et scénaristes européens, une nouvelle donne s’installe.

Elle a la force du nombre et de la diversité, tant les députés qui soutiennent l’instauration de ce nouveau droit proviennent d’horizons politiques différents (Verts, socialistes, chrétiens-démocrates, conservateurs…) et de nombreux pays (Italie, Belgique, Grèce, Grande-Bretagne, Pologne, Allemagne, France, Espagne..).

Cette proposition a aussi la force de la cohérence. Elle part d’un constat indiscutable : mis à part dans quelques pays, en particulier en France, en Italie et Espagne, qui ont installé un droit à rémunération, les auteurs européens ne perçoivent dans la majorité des cas aucune rémunération proportionnelle quand leurs œuvres sont exploitées, notamment sur les plateformes en ligne. Ils ne sont pas associés à leur succès.

Les auteurs audiovisuels sont bien aujourd’hui le maillon faible dans la chaîne de création que ce droit à rémunération vise justement à mieux protéger et accompagner.

Cette proposition a également bien d’autres mérites qui n’ont pas échappé à des députés soucieux de défendre les intérêts des auteurs. Celui de confier à la gestion collective le soin de collecter directement auprès des plateformes numériques pour s’assurer de la plus parfaite transparence et efficacité des remontées de recettes en fait naturellement partie. Celui de consacrer l’inaliénabilité de ce droit offre également la garantie qu’aucun rapport de force ne pourra faire renoncer un auteur à cette rémunération.

Et pour les auteurs français, qu’est-ce que cela changera ? Reconnaissons-le, sur le territoire français, la SACD a d’ores et déjà conclu avec l’ensemble des plateformes de vidéo à la demande des accords permettant de percevoir et de répartir aux auteurs une rémunération. Cela ne changera donc absolument rien pour les droits des auteurs qui sont déjà collectés grâce à la gestion collective et rien non plus à la situation des producteurs français. On peut d’ailleurs supposer qu’ils auront la sagesse d’éviter un lobbying négatif qui serait non seulement idéologique mais aussi déplacé.

En revanche, le vote de cette proposition serait une avancée majeure pour les auteurs français quand leurs œuvres sont exploitées dans des pays européens dans lesquels aujourd’hui aucun droit à rémunération n’existe. Ce droit leur offrirait enfin de sérieux espoirs de rémunérations.

Ce sont là des perspectives qui devraient encourager le Gouvernement français à soutenir avec force ce droit à rémunération. Il n’y aurait d’ailleurs là rien d’étonnant puisque ce soutien serait la continuité de l’engagement pris par Audrey Azoulay de faire du principe de rémunération proportionnelle des auteurs un modèle pour l’Europe. C’était en novembre dernier au Conseil des ministres européens de la Culture.

Le soutien de la France sera indispensable mais c’est aussi à ceux qui représentent la démocratie en Europe, les députés européens, de confirmer ce premier pas vers une amélioration du droit et de la situation des auteurs de l’audiovisuel. Une avancée loin d’être incongrue dans le cadre d’une réforme du droit d’auteur !

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