L’Europe de la diversité culturelle, année 0 ?

26 juin 2013 par - Vue(s) d'Europe

Ce 24 juin, c’est aux côtés d’Arnold Schwarzenegger que José Manuel Barroso est venu regretter devant la presse que son combat en faveur de l’exception culturelle n’ait pas été compris. Son porte-parole a même évoqué sur twitter un véritable « procès en sorcellerie » qui était intenté à cet authentique « amoureux de la culture européenne ».

A vrai dire, on aurait pu rêver symbole plus heureux pour témoigner de son amour de la culture européenne que la proximité d’un acteur américain, ancien gouverneur de la Californie. Nous en avons toutefois pris l’habitude car cette sortie médiatique vient clore une séquence qui avait débuté par une interview tonitruante dans l’International Herald Tribune : dans ce journal américain, le Président de la Commission européenne y assimilait les défenseurs de l’exception culturelle et la France dans son ensemble à des « réactionnaires » qui « ne comprennent pas les bénéfices qu’apporte la globalisation (des échanges) y compris d’un point de vue culturel, pour élargir nos perspectives et avoir le sentiment d’appartenir à la même humanité« .

Les vacances d’été qui se profilent seront sans doute très utiles pour tous ceux qui sont manifestement guettés par le surmenage et la fatigue. La preuve en est avec les approximations d’un Président qui voulait défendre l’exception culturelle en négociant l’audiovisuel avec les américains, avec un Commissaire au Commerce, Karel De Gucht, qui s’est dit prêt à déchirer le mandat de négociation que les 27 Etats de l’Union lui ont confié si les américains lui en faisaient la demande ou encore avec un exécutif européen qui a passé son temps à nier le rôle du Parlement européen.

Il n’en reste pas moins qu’une victoire a été remportée par tous ceux qui se sont mobilisés en faveur de la diversité culturelle : des Etats, qui ont pourtant fait l’objet de pressions inouïes de la part de la Commission, des Parlements, nationaux et européen, des cinéastes, des artistes. Des citoyens européens tout simplement attachés à un modèle de société dans lequel l’art et la culture ne sont pas des biens comme les autres.

Il faut désormais laisser les polémiques là où elles sont. Les réactions de M. Barroso sont le signe de sa colère mais aussi d’une fébrilité et d’une arrogance qui se sont fracturées sur le mur de la démocratie. Aujourd’hui, le refus des Etats de soutenir une grande braderie de la culture est un acte fondateur, un nouveau départ pour construire l’avenir, et notamment élaborer une économie durable et équitable de la culture, à laquelle devront aussi contribuer nécessairement les géants numériques, aujourd’hui exemptés de toute responsabilité vis à vis de ce qui fait leur fortune.

La route est encore longue pour que l’exception culturelle soit pleinement et définitivement reconnue. Car elle est chaque jour attaquée, mise en cause au cœur même de l’Europe par ceux qui, avec M. Barroso et ses amis et au mépris des peuples, n’ont pour vision du monde que l’assouvissement aux lois du commerce.

Aujourd’hui, il est urgent de changer de cap, de mettre un terme à cette politique déséquilibrée qui fait prévaloir la libre concurrence et la circulation des biens au service sur la spécificité de la culture, reconnue dans la Convention de l’UNESCO sur la diversité culturelle, pourtant ratifiée par l’Union européenne en 2006.

Il faut une nouvelle ambition et une forte exigence. L’Europe doit préparer l’avenir de la culture, sans renoncer à défendre son modèle, sans renier son histoire et ses engagements et sans défiance à l’égard de ses créateurs.

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