Licences multi-territoriales dans le secteur audiovisuel : enfin, une vision réaliste?
16 novembre 2010 par Guillaume Prieur - Vue(s) d'Europe
Afin de servir sa volonté de création d’un grand marché européen des contenus créatifs en ligne permettant de dépasser les frontières nationales, la Commission européenne propose depuis plusieurs années, comme un leit-motiv, de développer des licences multi-territoriales dans les secteurs créatifs.
A cette suggestion somme toute logique pour des serviteurs de la cause européenne, les professionnels du secteur de l’audiovisuel n’ont de cesse de répondre que le problème n’est pas a priori juridique mais que l’absence de licences multi-territoriales n’est que la résultante d’une situation économique et structurelle du secteur audiovisuel européen, intrinsèquement liée au financement des œuvres, à la langue et à la culture dans laquelle sont créées les œuvres.
Le marché européen ne se décrète pas. Avec ses 27 Etats membres et ses 23 langues (gaélique inclus mais sans compter le basque, le catalan et le breton !), le continent européen n’a pas jusqu’à présent donné naissance à des opérateurs audiovisuels ayant la capacité de l’appréhender globalement. Seuls les studios américains ont cette force de frappe mais ne l’utilisent pas car chaque territoire nécessite une approche particulière. De leur côté, les opérateurs européens sont tributaires de modes de financement essentiellement nationaux et peinent à développer des systèmes de distribution permettant aux œuvres de circuler sur l’ensemble du territoire européen dans de bonnes conditions d’exposition.
Ces éléments ont été soulignés par une étude (synthèse en français ici) réalisée par les consultants de KEA et le CERNA, centre d’économie industrielle de l’Ecole des mines de Paris, à la demande de la DG Société de l’Information et des Medias de la Commission européenne récemment publiée. A noter également dans cette étude, parmi les propositions visant à promouvoir un marché unique européen, celle habilitant les sociétés d’auteurs à percevoir une rémunération au nom des auteurs lorsque leurs œuvres sont exploitées à l’étranger : « un droit équitable, inaliénable, à une rémunération pour la « mise à disposition » des œuvres doit être établi au niveau européen » (page 170 à 172).
Si la Commission suit l’analyse développée par l’étude et ses recommandations, la tâche risque d’être plus complexe et plus longue que les propos simplistes de la commissaire Kroes au Forum Culturel d’Avignon le 5 novembre dernier, stigmatisant une fois de plus le droit d’auteur comme le principal obstacle au développement d’un marché européen des contenus créatifs en ligne.
A suivre…
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