Nouvelle Commission : Mais où est passée la culture ?
11 septembre 2019 par Guillaume Prieur - Vue(s) d'Europe
A l’occasion de la présentation hier de la nouvelle équipe de la Commission européenne par sa présidente, Ursula von der Leyen, beaucoup de commentateurs se sont interrogés sur la dénomination du portefeuille du Commissaire grec en charge de la « protection of the european way of life » incluant l’immigration, qui serait donc vécue comme remettant en cause l’identité européenne. En revanche, peu se sont arrêtés sur une autre nouveauté, pourtant importante : la Culture a disparu de l’organigramme des commissaires.
Plus précisément, l’Education et la Culture semblent avoir été rebaptisées Innovation et Jeunesse pour la circonstance. Il y a sans doute derrière ce changement de vocabulaire une approche qui relève plus du marketing que de la politique mais elle est foncièrement malheureuse et donne raison à René Char quand il disait : « Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde.»
On a là un signal et un symbole puissants et regrettables alors même que nous sortons d’une période de 5 ans avec une Commission Juncker, alors surnommée Commission de la dernière chance, au bilan plus que positif pour la culture et les auteurs. Avec l’adoption de politiques et de directives qui n’ont jamais été aussi loin dans la défense des créateurs et le soutien au droit d’auteur, l’Europe a prouvé qu’elle avait les armes juridiques et politiques pour soutenir la création et assoir sa souveraineté. En même temps, la création s’est aussi imposée dans l’univers européen comme un atout et une force qu’il fallait cultiver, protéger et soutenir. On le voit, la culture ne peut pas se réduire à l’innovation et à la jeunesse !
Au-delà des opportunités, la Culture a devant elle de nombreux défis qui appellent des réponses politiques, des Etats mais aussi de l’Union européenne : accroitre le budget européen alloué à la Culture ; maintenir l’exclusion des services audiovisuels des négociations commerciales ; mesurer l’impact de l’intelligence artificielle sur la diversité culturelle ; suivre la mise en œuvre des directives sur les droits d’auteur et les services de médias audiovisuels ; renforcer les droits et protections des auteurs ; assurer la promotion des œuvres européennes en ligne ; moderniser le cadre de régulation des plateformes numériques….
Nous ne doutons pas de la motivation des Commissaires nommées et compétentes pour travailler sur les sujets du numérique et de la culture : la Vice-présidente Margrethe Vestager a suffisamment démontré sa force et son objectif de soutenir la souveraineté numérique européenne et la régulation des plateformes ; la Commissaire Sylvie Goulard est connue pour sa grande expertise des affaires européennes ; la Commissaire Mariya Gabriel a pour elle un bilan très positif sur le numérique et le droit d’auteur et a toujours réservé un accueil bienveillant et une écoute sincère aux auteurs européens.
Il n’empêche, la culture n’est ni un gros mot ni un mot tabou. Aussi, si l’ambition de maintenir le cap d’une Europe qui protège ses créateurs et soutient sa création culturelle à l’ère numérique est bien là, l’Union européenne doit afficher clairement cette priorité politique, non seulement dans les missions des commissaires, mais aussi dans l’organigramme de la Commission. Il faut rendre visible la Culture !
Ce sont désormais les députés européens qui auront à valider la répartition des postes au sein de cette nouvelle Commission. Pour que la culture ne devienne pas invisible, espérons que ces temps d’échange entre la Commission et le Parlement européen seront utiles pour revenir sur cette dénomination malheureuse, comme certains députés européens s’en sont déjà émus. A juste titre.
Continuez votre lecture avec
- Article suivant : Quel intergroupe pour la culture et les créateurs au Parlement européen ?
- Article précédent : Européennes : les leçons d’un scrutin