Quel intergroupe pour la culture et les créateurs au Parlement européen ?

30 septembre 2019 par - Vue(s) d'Europe

Après la bataille des élections européennes, et parallèlement au processus en cours de validation des commissaires européens, voici venu le temps de la bataille des intergroupes au Parlement européen. La compétition fait rage pour constituer ces groupes informels, rassemblant de façon transversale des députés de diverses commissions et de groupes politiques, en vue d’avoir des échanges sur des thématiques particulières. Alors que de nombreux postulants sont alignés sur la ligne de départ, la conférence des présidents ne sélectionnera que quelques heureux élus à l’arrivée.

La culture fait partie de ces secteurs qui suscitent un intérêt certain chez les députés et qui connaissent des initiatives concurrentes. A droite, Christian Ehler, député allemand de la droite européenne (PPE), aimerait reconduire l’intergroupe consacré aux industries culturelles et créatives qu’il coprésidait ces 5 dernières années avec la socialiste française Pervenche Bérès (S&D). A gauche, le nouveau député européen écologiste allemand Niklas Nienass espère, lui, impulser un renouveau avec un intergroupe relatif aux créateurs européens.
Dans cette équation, les inconnues sont encore nombreuses, les certitudes aussi finalement.

La première d’entre elles est qu’il est indispensable que les enjeux qui traversent le champ culturel au sens large trouvent leur juste place dans le paysage des intergroupes. L’existence d’un intergroupe se penchant les défis de la culture doit être une évidence tant ils transcendent les commissions parlementaires et relèvent de politiques différentes et complémentaires de l’Union. C’est aussi un outil très utile pour faciliter le dialogue des parlementaires avec la société civile, les professionnels et les créateurs.

La seconde repose sur la nécessité pour un intergroupe consacré à la culture de refléter les équilibres politiques du Parlement. La réalité politique de 2019 est celle d’une majorité plus diverse et plus composite que les intergroupes doivent aussi illustrer dans leur leadership, leadership qui doit aussi être respectueux de la parité.

La troisième est la capacité pour un intergroupe de faire le pont, de fédérer et d’investir avec une même énergie l’ensemble des problèmes sur la table. En l’occurrence, les enjeux industriels restent d’une actualité brûlante pour une Europe qui a su se donner des nouvelles règles, via la directive sur les services de médias audiovisuels comme sur le droit d’auteur, et adopter des régulations pour donner aux acteurs européens de la création, de la diffusion, de la distribution de nouvelles armes dans le monde numérique. Ces règles devront se traduire désormais dans chacun des Etats européens, être évaluées et, le cas échéant, renforcées. Le suivi d’un intergroupe ne sera pas de trop pour que l’Europe de la culture et la création continue à avancer.

Mais, l’adoption de la directive sur le droit d’auteur a marqué un acte fondateur qui doit se prolonger. L’Europe qui, pour reprendre des propos de Costa-Gavras au Parlement européen en 2018, « défendait la création mais pas assez les créateurs », a pris conscience qu’il était nécessaire d’améliorer les conditions de rémunération des auteurs.

Pour marcher sur ses deux jambes, un intergroupe culture devra avoir pour objectif de mieux soutenir les industries créatives et culturelles et, en même temps, de porter une attention renouvelée à la situation des créateurs européens.

Renforcer l’égalité entre les femmes et les hommes dans le secteur culturel, défendre le droit moral des créateurs, analyser les pratiques contractuelles dont les auteurs sont souvent les victimes, réfléchir aux garanties minimales qui devraient être réservées aux auteurs, mieux étudier leur situation dans chacun des secteurs culturels à travers l’Europe, analyser les aides directes dont les auteurs (qui en sont exclus) pourraient bénéficier : ce sont autant d’orientations qui devraient être prises en charge d’un intergroupe dédié à la culture.

Pour le dire autrement, dans les semaines à venir, le Parlement européen devra s’atteler à savoir réunir le Yin des industries culturelles et le Yang des créateurs européens pour que l’étage des intergroupes au Parlement européen réserve toujours une place de choix aux enjeux de la culture et de la création.

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